Une critique de notre société qui sort du lot
Un jeu annoncé comme une révolution dans le monde du jeu vidéo, visant à repousser les limites en termes de graphismes et de narration.
Développé par CD Projekt Red, un studio de développement polonais notamment connu pour avoir travaillé sur l'excellent The Witcher III, Cyberpunk 2077 est un jeu inspiré de l'univers Cyberpunk comme son nom l'indique, qui puise ses sources dans le roman de William Gibson Neuromancien, mais aussi dans des oeuvres cynématographiques telles que les films Bladerunner.
C'est en 2012 que le studio de développement annonce la préparation de ce jeu très ambitieux qui avait pour but de révolutionner le monde des openworlds : un jeu dystopique se déroulant dans une ville avec une architecture futuriste et démesurée, dans lequel la technologie et les grandes entreprises ont pris le dessus. Entre transumanisme poussé à l'extrême, intelligence artificielles rebelles, complots de grande envergure et lutte des classes dans une ville rongée par la criminalité et la corruption à tous les étages, l'annonce à fait l'effet d'une bombe et il n'en fallait pas plus pour que l'engouement devienne total. Le studio avait déjà fait ses preuves auparavant en remportant le titre de Game Of The Year avec comme mentionné plus tôt The Witcher III, chose qui mettait en confiance les joueurs à propos de ce nouveau jeu annoncé.
On y incarne V, un mercenaire au passé trouble qui évolue dans les rues corrompues de Night City, une métropole tentaculaire où le rêve américain s’est mué en cauchemar numérique. Cette cité futuriste, dominée par des mégacorporations sans scrupules et gangrenée par la criminalité, est un véritable théâtre d’excès où tout s’achète. Le personnage principal est entièrement personnalisable : apparence, compétences, implants cybernétiques, et même son passé influencent le déroulement de l’aventure. Dès les premières heures, V se retrouve embarqué dans une affaire qui le dépasse, une mission qui tourne mal et qui le lie malgré lui à Johnny Silverhand, une légende du rock rebelle interprétée par Keanu Reeves. Entre quête d’identité, vengeance et survie, le joueur navigue dans un monde où la frontière entre l’humain et la machine devient chaque jour plus floue.
Une surprise peu commune dans l'industrie, avec un lancement désastreux et des critiques tranchantes.
Le 10 décembre 2020 , CD Projekt Red dévoilà enfin son nouveau bébé aux yeux du grand public. Ce fut un jour marquant, mais malheureusement, pas pour les raisons que l'on imagine. Sorti sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et PC, Cyberpunk 2077 tomba enfin entre les mains de joueurs, l'occasion de se faire un avis sur ce jeu tant attendu, mais la joie fut très courte ce jour là.
Le monde du jeu vidéo se souviendra probablement de ce jour comme le plus gros échec connu dans le milieu. L'attente et l'engouement était sans précédent, les joueurs attendait un potentiel rival au grand GTA V, un jeu pouvant faire de l'ombre au studio Rockstar Games, les maîtres incontestés des open worlds, mais n'ont finalment eu le droit que de jouer au triple A le plus cahotique de l'histoire du gaming.
Bien que le scènario du jeu soit irréprochable, de nombreux soucis ont été rencontrés lors du lancement du jeu, ce qui a soulevé la colère des joueurs, ne pouvant pas passer à côtés de ces problèmes bien trop nombreux :
En somme, c'est un lancement cahotique qui s'explique par une combinaison de facteurs : un projet extrêmement ambitieux d’un point de vue technique, des contraintes matérielles fortes (notamment pour consoles “old-gen”), une communication qui n’a pas aligné les attentes avec la réalité, un calendrier serré et une pression commerciale importante, notamment avec la pression des investisseurs et enfin, un contrôle qualité qui n’a pas anticipé toutes les problématiques, notamment sur certaines plateformes.
Si vous êtes curieux de voir à quoi pouvait ressembler le jeu lors de sa sortie, voici une courte vidéo assez amusante qui permet de voir l'étendue des dégats, rendant l'immersion dans cette univers passionant presque impossible :
Près de 5 ans après la sortie de Cyberpunk 2077, de l'eau a coulé sous les ponts et CD Projekt Red a montré au monde entier la vraie face de son univers.
En effet, dès le début de l’année 2021, CD Projekt Red s’est lancé dans une course contre la montre. Le studio publiait patch sur patch, parfois de véritables pavés de plusieurs dizaines de pages, visant à corriger les bugs, améliorer l’IA, stabiliser les collisions, revoir les comportements des PNJ, et même affiner certains systèmes entiers. Entre 2021 et fin 2022, ce sont des centaines de correctifs qui ont été déployés, dont certains ont profondément changé l’expérience de jeu.
Une partie du travail s’est également concentrée sur un point crucial : l’optimisation sur consoles “old-gen”, là où le lancement avait été le plus catastrophique. Les versions PS4 et Xbox One, quasiment injouables au départ, ont reçu des améliorations progressives : meilleure stabilité, réduction des textures qui poppent à 2 mètres du joueur, framerate plus stable, moins de crashs et une lisibilité globale renforcée. Bien que ces plateformes n’aient jamais atteint le niveau des versions next-gen ou PC, elles sont devenues correctement jouables, ce qui relevait presque de l’exploit au vu de l’état initial.
#Cyberpunk2077 is now back on the PlayStation Store.
— Cyberpunk 2077 (@CyberpunkGame) June 21, 2021
You can play the game on PlayStation 4 Pro and PlayStation 5. Additionally, a free next gen upgrade will be available for all owners of the PS4 version of Cyberpunk 2077 in the second half of 2021. pic.twitter.com/RTkptIHOb4
CD Projekt Red a également revu sa communication. Là où les annonces spectaculaires et promesses grandiloquentes avaient contribué au fiasco initial, le studio a opté pour une approche plus humble. Les développeurs ont pris la parole dans des vidéos explicatives, ont reconnu leurs erreurs, ont présenté des feuilles de route plus réalistes, et surtout… ont écouté. La communauté, d’abord extrêmement remontée, a commencé à voir les effets concrets de ces efforts, étape après étape.
Il faut aussi évoquer un aspect moins reluisant du “miracle Cyberpunk” : le crunch. De nombreux employés ont témoigné d’heures supplémentaires imposées, parfois durant plusieurs mois. Une méthode loin d’être idéale, répandue dans l’industrie mais de plus en plus critiquée. Si cette pression intense a certainement permis au studio de rattraper une partie de son retard et d’éviter un naufrage total, elle montre aussi les limites d’une production mal organisée en amont. Le résultat force le respect, certes, mais il rappelle aussi que la réussite du jeu a eu un coût humain, qu’il serait injuste d’ignorer.
À la fin de l’année 2022, Cyberpunk 2077 n’était plus tout à fait le même jeu. Plus stable, plus fluide, mieux équilibré, enrichi par la série Netflix Cyberpunk: Edgerunners qui a relancé l’intérêt du public, et épaulé par un regain massif d’estime, il avait enfin atteint le niveau qu’il aurait dû avoir lors de sa sortie. Ce n’était plus une promesse trahie, mais une œuvre complète, corrigée, consolidée, et incroyablement immersive.
Cyberpunk 2077 ne se contente pas de divertir. Il expose, amplifie et critique les dérives de notre société actuelle à travers un univers futuriste terriblement crédible.
Grâce aux correctifs apportés par les développeurs, le monde a pu découvrir et profiter pleinement de l’univers qui s’offrait aux joueurs, ainsi que de la richesse que possède toute la narration.
Cyberpunk se démarque donc avant tout par la façon dont il interroge le monde qui nous entoure. On y dépeint une société écrasée par le pouvoir des mégacorporations, où l’humain passe au second plan face aux profits et aux intérêts privés. Cette critique de la privatisation du monde, de la marchandisation du vivant et de l’effacement des institutions publiques fait écho à des inquiétudes bien réelles. En s’attaquant frontalement à la dérive capitaliste et à l’individualisme généralisé, le jeu offre un miroir troublant de nos propres dérives contemporaines.
Au cœur de son univers, Cyberpunk 2077 explore également la question du transhumanisme et de la déshumanisation technologique. L’augmentation du corps, la dépendance au numérique, la modification des souvenirs ou même la présence d’une intelligence non désirée dans l’esprit du protagoniste posent des questions essentielles : où s’arrête l’humain ? Qu’advient-il de notre identité lorsque tout peut être altéré par la technologie ? À l’heure où l’intelligence artificielle progresse à un rythme inédit et où le contrôle numérique devient omniprésent, ces thématiques résonnent avec une force particulière.
Le jeu aborde aussi un ensemble de problématiques sociétales majeures : des inégalités extrêmes entre riches et pauvres, une violence systémique omniprésente, l’exploitation des plus vulnérables et l’obsession de l’image dans une société saturée de divertissements. Dans le décor d’une planète ravagée, où l’effondrement écologique n’est plus une menace mais un fait établi, Cyberpunk rappelle subtilement que la crise environnementale est indissociable des choix politiques et technologiques actuels.
Enfin, avec le DLC Phantom Liberty, le jeu pousse la réflexion plus loin en mettant en scène un gouvernement américain prêt à franchir toutes les limites au nom de la sécurité nationale. Manipulation politique, accords secrets et sacrifices au nom du “bien commun” : le DLC met en lumière les dérives possibles des institutions lorsqu’elles échappent à tout contrôle démocratique.
En combinant toutes ces thématiques — surveillance, liberté individuelle, pouvoir militaire, éthique technologique — Cyberpunk 2077 s’impose comme une œuvre visionnaire, qui dépasse le simple cadre du divertissement pour devenir une véritable critique du monde contemporain.
Une courte sélection des protagonistes qui rendent l'immersion et la naration du jeu encore plus pationante.
Cyberpunk possède un univers extrêmement riche, tant dans ses thématiques sociétales que dans son histoire ou son architecture futuriste. Mais ce qui fait véritablement sa force, ce sont les nombreux personnages que l’on croise tout au long de notre aventure.
CD Projekt nous plonge aux côtés de nombreuses figures au passé lourd, avec une écriture très poussée en termes de profondeur psychologique et de nuances morales. Chaque personnage semble porter en lui une histoire faite de blessures, de convictions, de contradictions et de désillusions, donnant à Night City une humanité brute et complexe. Rien n’est jamais totalement blanc ou totalement noir : chacun possède sa propre vision du monde, ses combats personnels, ses idéaux, mais aussi ses failles.
Ce soin apporté à l’écriture rend ces rencontres incroyablement marquantes. On ne se contente pas de suivre des compagnons de route : on apprend à les comprendre, à partager leurs doutes, leurs espoirs, leurs colères et parfois même leurs ambitions les plus discutables. Certains inspirent l’admiration, d’autres la méfiance, mais tous provoquent une réaction forte, tant leur personnalité est travaillée et vibrante.
C’est cette galerie de portraits, aussi attachants que troublants, qui donne au jeu tout son impact émotionnel. Avant même de parler de quelques-unes de ces figures essentielles, il est important de souligner à quel point l’écriture des personnages est l’un des piliers majeurs de l’expérience Cyberpunk 2077.
Intéressé par Cyberpunk 2077 ? N'hésitez pas à faire vos retours et à partager votre éxpérience aux équipe de CD Projekt Red !